Salle de bain des Nelson, 12h30.
Je suis toujours dans la baignoire à tremper, je ressens l’énervement de Josh, mais ça me fait rire, il est tellement facile de l’embêter que ça devient très amusant. Au bout de plus d’une heure et demie, je me décide à sortir, je m’enroule dans une serviette et ouvre la porte, je sors de la salle de bain. Je le retrouve accroupi par terre, contre le mur. Il me regarde, je ne baisse pas les yeux, il me lance un défi, je le relève. Ses yeux sont un océan de confusion, et de sincérité. C’en est bouleversant. Je souris, l’atmosphère est trop lourde.
« Désolée, mais je mets beaucoup de temps. De toute façon tu n’es pas pressé. Non ?
- Non, mais je t’avais dis d’aller plus vite. Enfin bon, c’est pas grave. » Réplique-t-il, lassé.
Il se relève, et me passe sous le nez, mes doigts frôlent ses muscles, je frémis. Ça fait longtemps que je n’ai pas eu de contact physique avec quelqu’un, j’avais oublié ce que c’est. Un coup de jus, de l’électricité qui passe dans deux corps, qui est agréable et réchauffe un peu. Je le regarde entrer, il ferme la porte. Je me dirige dans ma chambre et pousse la porte de ma chambre, elle reste entrouverte. J’enfile un débardeur moulant et une culotte, tous les deux bleus. Je me recoiffe, et range ma serviette, je referme ma fenêtre que j’ais laissé ouverte et m’assois sur mon lit. Je pense à ce que je pourrai faire pour m’occuper. Mes yeux se posent sur ma radio, j’approche et appui sur le bouton, il passe en ce moment une chanson que j’aime beaucoup. J’esquisse quelques pas de danse sur le parquet, mes pieds embrassent le sol, la terre. Ce contact me manque tant. Ça me rappelle tellement de choses, ça fait un an que je ne danse plus, je faisais partie d’une troupe de danse depuis l’âge de six ans, peu avant la mort de Maman. Ne pense pas à ça, Charlie ! Danse et envole-toi ! Je me laisse emporter par la musique, le sentiment de liberté est tellement beau. Cette chanson,…elle me fait tellement réfléchir et pleurer… Je continue ma danse folle, je tournoie, je sautille, et un cambrée, ouille ! Un an c’est long ! Heureusement il me reste le principal, ça me montre à quel point j’y tiens, comment ai-je pu arrêter ? Enfin, passons. Je ne me prends plus la tête, je ne pense qu’à la musique, mes pieds et ce bien-être qui m’envahit. Je vole ! J’exécute une pirouette, un sourire apparaît devant mes yeux, il se tient là, accoudé à la porte, les bras croisés sur son torse. Je m’arrête immédiatement, et le regarde. On va dire que je suis très légèrement vêtue pour recevoir quelqu’un mais ça doit faire un moment qu’il m’observe alors c’est trop tard. Il avance et referme ma porte.
« Tu es là depuis longtemps ? Ai-je demandé, avec inquiétude.
- Assez pour pouvoir dire que tu es une très bonne danseuse ! Me complimente-t-il.
- Je prends ça pour un oui.
Je m’assois sur mon lit, les jambes croisées. Il est surpris, agréablement surpris. Je souris. Je sens de l’hésitation, il se demande s’il a le droit de rester alors que je suis presque nue ! Je lui fais une petite place à côté de moi, il comprend et s’approche. Il veut en savoir plus sur cette planète, sur nous et nos « coutumes ». D’accord, je vais lui en parler.
- Il y a certaines choses que tu dois savoir. Demain, on a cours, je ne veux pas te lâcher dans la jungle sans que tu sois préparé. Saches que si tu restes avec moi, personne ne t’embêtera et ne t’approchera. Crois-moi.
- Mais pourquoi t’évitent-ils ? Je ne comprends pas. Lança-t-il, sincère.
- Je suis différente d’eux, alors ils m’excluent. Je crois que tu sais ce que c’est.
Il me regarde, intrigué. Et oui, j’ai encore visé juste mais je n’ai aucun mérite. Je souris, il m’a bien compris. Je le regarde, le pauvre ne sait pas ce qui l’attend, mais je crois que c’est moi le premier obstacle malheureusement. Je vais continuer.
- Demain, je te montrerai les gens que tu dois éviter à tout prix. Il y a le groupe de Veronica, mon ancienne meilleure amie, eux, il ne faut pas croiser leur chemin, ce sont de vrais abrutis, ils tapent avant de s’expliquer mais comme je te l’ai dis tant que tu es avec moi, personne ne fera d’histoires.
- D’accord et sinon les cours, ils sont comment ?
- Intéressant, mais ça dépend des profs.
- Ok, je verrai bien demain, alors.
- Tu sais nos deux planètes se ressemblent beaucoup, nous vous avons beaucoup observés, nous ne sommes pas très différents en fait. Aux informations du soir, il y avait une rubrique consacrée aux plus grandes nouvelles de la Terre. Ça ne devrait pas trop te changer de ton ancienne vie. L’ai-je rassuré.
- Je ne pensais pas qu’il existait des gens qui nous ressemblent dans cette galaxie. Dit-il avec calme. Et sinon je voudrai savoir Lucy, qu’est-ce qu’elle a comme pouvoir ?
- Tu es très curieux, toi ! Et bien elle possède la capacité de lévitation quand elle se concentre bien, elle peut courir à la vitesse de la lumière, comme chaque personne de ma famille, elle a une force surhumaine. Voilà on a fait le tour !
- Je préfère les tiens, ils sont beaucoup mieux. Lâche-t-il en souriant.
- Merci, je ne sais pas si c’est un compliment mais je fais comme si ça l’était.
Je souris, mais mon secret revient, remonte à la surface, il me harcèle, comme s’il se jouait de moi, cette situation l’amuse. Je voudrai le haïr mais je n’y arrive pas, il me fait comprendre les autres et m’en rend proche mais m’en éloigne aussi. Je voudrais ne rien lui cacher, parce qu’un jour je devrai lui avouer, je le sens mais je ne peux pas, il partirait en courant si je le faisais. Oh mon Dieu, aidez-moi ! Si seulement il le pouvait, je serai sauvée. Je le regarde, tiens, je n’avais pas remarqué, il porte une des chemises de Papa, ça le change de ses chemises à carreaux ! Je vais le lui faire remarquer surtout que je sens qu’il est déçu parce que je ne lui ai rien dit.
- Tu as trouvé les cartons de mon père. Cette chemise te va très bien, beaucoup mieux que tes chemises écossaises !
- Je ne sais pas si je dois prendre ça comme un compliment mais je le fais quand même !
Je lui donne une tape dans l’épaule, il sourit. Ah il veut encore me poser une question, j’attends qu’il se décide. Je ne vais pas lui dire : « Oui je t’écoute ».
- Où as-tu appris à danser comme ça ? Me demande-t-il avec un grand intérêt.
- Je faisais partie d’une troupe de danse depuis quatorze ans. Avant j’y allais deux fois tous les jours. C’était vraiment super.
- Alors pourquoi as-tu arrêté ?
- C’est compliqué mais la plus grande raison c’est la mort de mon prof de danse, c’était mon ami et il a quitté ce monde précipitamment sans ne m’avoir rien dit. J’ai préféré partir.
- Tu vois que quelqu’un d’autre ne t’a pas exclu.
- Il est le seul, avec toi maintenant.
Je lui jette un regard, il se dit qu’il a un rôle à jouer à partir de maintenant dans ma vie, je ne sais pas s’il a raison mais sa présence est rassurante. Moi qui avais l’habitude de ne connaître que mon propre reflet, c’est comme une seconde chance mais pas pour longtemps. Je souris. Il se lève et avance jusqu’à la porte, se retourne et me jauge.
- Je vais te laisser, tu penses faire quoi cet après-midi ?
- Je pense que je vais aller me promener. Pourquoi ?
- Parce que je viendrai avec toi. » Répond Josh.
Il sourit, je souris, ça fait beaucoup de sourires dis donc ! J’utilise la télékinésie pour prendre un oreiller et lui lance, elle lui atterrit dans la tête. J’éclate de rire mais je me munis d’un autre au cas où il contre-attaquerait. Je me prépare, à me battre ! Il s’approche et me lance l’objet à la figure. Je me téléporte, juste derrière lui et la tape en riant. Il est surpris, il se jette sur mon lit et sourit, non il rit aussi. Je continue ma torture, il me fait tomber, j’ouvre les yeux. Ô mon Dieu, calme-toi ma grande, je ne bouge plus, seuls mes cils papillonnent. Il se retrouve au-dessus de moi, nos visages sont bien trop proches pour que ça reste correct, et vu ma tenue ça l’est encore moins. On ne respire plus, j’entends la voiture de Lucy qui arrive.
« Nous ne sommes plus seuls.. »
Il comprend, pour une fois que je suis soulagée de voir rentrer ma sœur. En même temps j’aurai voulu voir comment on aurait réagi mais il ne faut pas jouer avec le feu, c’est trop dangereux même si cela ne m’effraie pas du tout. Il se redresse et s’assoit, me tournant le dos. Je sens une énorme confusion dans son esprit, tout comme moi, il ne comprend pas comment ça a dérapé ainsi. Il a eu peur de ses réactions, de ce qu’il aurait été capable de faire. Il se dit qu’il est idiot, que c’est la première qu’il a failli faire quelque chose sans penser aux conséquences, pourtant ça ne lui a pas déplu, ce qui le perturbe encore plus. Il y a tellement de confusion dans cette pièce que mon mal de crâne pointe le bout de son nez. J’enfile un jean rapidement et je me dépêche de fermer la porte. Lucy m’a peut-être sauvée mais elle est toujours la même personne. Il est perdu dans ses pensées, je découvre un nom : Holly. Il s’est passé quelque chose de très fort entre eux mais ça n’a pas marché, apparemment il a tourné la page mais c’est toujours ancré en lui. Son premier amour. Je ne suis jamais tombée amoureuse, je me suis interdit de l’être, je souffre assez avec le cœur des autres alors si en plus je devais m’occuper du mien, on me ramasserait à la petite cuillère. Je prends un tee-shirt bordeaux, un peu décolleté, je l’avoue, je n’ai que ça avec d’autres plutôt moulants, mais c’est ce que j’aime.
« Alors on la fait cette ballade ? Ai-je lâché, nonchalamment.
- Oui.
Il se lève et me suit, j’ouvre la porte et sors. Nous descendons les escaliers. Dans la cuisine Lucy mange, encore des cochonneries. Je souris, elle est incorrigible.
- ça ne sert à rien, il a changé, il préfère les mannequins !
- Mêles-toi de tes affaires, je t’avais dis de ne pas l’approcher. Hurle-t-elle.
- Tu n’es pas ma mère…
- ça ne t’a pas empêché de me donner des ordres. Me coupant la parole.
Je suis hébétée, je sens sa colère, son dégoût pour moi. Je suis blessée, torturée par ma propre sœur, celle qui devrait m’écouter avec plaisir, me soutenir, m’aimer. C’est tout le contraire. Elle a passé des années à me dédaigner. Je croyais que ça passerait avec le temps mais ça s’est dégradé de plus en plus. Maintenant c’est trop tard, on ne peut plus recoller les morceaux. Josh voit que ça m’a détruite, il me prend par le bras et me fait sortir de la maison. J’entends Lucy qui rit. Je retiens une larme, je ne veux pas pleurer devant lui, non ! Je me calme petit à petit. Il avance, je le suis.
- Alors on prend ta voiture où on marche d’ici ?
- Excuse-moi, Beths.. »
J’enlève sa main de mon bras, et je m’en vais par téléportation. Je m’en vais là où personne ne me trouvera, là où je serai seule dans ma tête, dans mon cœur, seule dans mon monde, si compliqué. J’aurai voulu l’emmener avec moi mais il ne sait pas qui je suis réellement, je ne peux pas me confier à lui sur ce sujet, c’est trop dur. J’ai mis tellement de temps à m’accepter comme telle alors lui… J’arrive dans mon refuge, c’est une grande colline, on ne peut pas y monter sans se téléporter, ce qui fait que je suis sûre d’être seule ici. J’arrive au lieu voulu. Personne en vue. Tant mieux, je laisse tomber par terre, ma tête dans mes genoux, je me laisse aller, je pleure encore et encore. Je me déteste, je n’arrive même pas à haïr ma sœur, non mais moi oui. Pourquoi tu es parti aussi tôt, Maman ? On avait tellement besoin de toi, et surtout moi. Pourquoi m’avoir laisser cette malédiction ? Certains appelleraient ça un don, une bénédiction, certains jours je me dis qu’ils ont raison, mais aujourd’hui ils ont tord. Je veux disparaître, m’envoler la rejoindre, pour que tous mes soucis s’effacent avec moi. Qu’est-ce que ça changerait que je vive ou pas ? Pourtant j’aime vivre, c’est beau mais ça fait mal… Je me haïs d’autant plus que j’ai laissé Josh, seul, avec Lucy. Elle le protégera des autres mais qui le protégera d’elle ?
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