Aliens

Amazonia, lundi. 18h05.

Je viens de sortir de l’université, ce n’était pas trop tôt, encore une fois tout le monde m’a évité. Pff ! Quelle bande d’idiots, en même temps je n’arrive pas à leur en vouloir, ils ont raison de ne pas rester trop près de moi. Je suis différente d’eux, alors ils ont peur et puis si j’étais à leur place je ne sais pas comment je réagirai. Je marche sur une route sableuse, il ne fait pas nuit, normal, on est en été, une brise légère vient emmêler mes cheveux détachés, le soleil me réchauffe. J’arrive près chez moi, Lucy est sûrement sur le canapé en train de s’empiffrer de cochonneries devant une série débile. Elle m’exaspère tellement ces temps-ci, les seuls moments où je la voie, elle est sarcastique, désagréable et je ressens qu’elle m’en veut, je crois que c’est à cause de la mort de Maman, elle remet la faute sur moi, parce qu’elle lui reproche sa mort, elle lui en veut pour son départ prématuré, et comme je lui ressemble énormément; elle se venge sur moi. Je suis la seule personne qu’elle côtoie à la maison, Papa ne revient qu’un jour par mois environ et elle aime trop ses amis, alors c’est moi qui subis tout. Cette fois j’en ai vraiment marre, le monde m’ignore, je suis étrangère à ma propre famille, à ce monde. Est-ce que quelqu’un me ressemble ailleurs ? Je ne l’espère pas pour lui. Je continue ma route quand j’entends un bruit assourdissant qui provient du haut de cette colline, en face de moi, il y a de la fumée noire, pourvu que ce ne soit pas un incendie. Je cours jusqu’au sommet, et là j’aperçois une chose énorme, qui ressemble à un vaisseau spatial. Étrange ! J’essaye de discerner des mouvements malgré la purée de pois qui m’entoure. Elle se disperse un peu, je ressens de la vie, quelque chose bouge, une porte s’ouvre, un jeune homme sort de cette machine qui commence à brûler. Ça va exploser, il faut qu’on parte maintenant. Je le prends par la main et l’entraîne le plus loin possible. L’explosion nous propulse quelques mètres plus loin. Aïe ! Mes fesses, mais pourquoi je dis ça ? Je ne ressens aucune douleur, ah j’avais oublié, c’est la douleur de cet homme. Il est allongé sur le sol, il s’assoit et me regarde. Je l’observe, il est assez grand, brun, les yeux bleus, on pourrait s’y noyer. Il faut dire qu’il est plutôt mignon. Je souris, il me répond mais je sens qu’il est perdu, il se pose beaucoup de questions et ses pensées sont confuses.

« Euh bonjour, je m’appelle Josh Hogwards et tu es ? 

Qu’est-ce que je peux bien lui répondre ? Bonjour je m’appelle Charlie Nelson, j’ai 20 ans et je suis empathe. Non, il fuirait tout de suite, il vaut mieux y aller en douceur. Je ne sais même pas ce qu’il fait ici et puis c’est la première fois que j’assiste à l’arrivée d’un vaisseau ici !

- Je suis Charlie Nelson. Enchantée. Comme on a commencé les présentations autant les finir. J’avoue que ton arrivée spectaculaire m’intrigue. Qu’est-ce qui t’es arrivé ? Ai-je demandé, avec un regard interrogateur.

- Je ne me souviens pas de tout mais mes parents m’ont envoyé dans l’espace grâce à ce vaisseau, qu’ils ont construit. Je viens d’une petite ville nommée Bethesda, dans le Maryland, mais tu ne dois sûrement pas connaître.. Et puis après plusieurs jours de vol, je suis arrivé ici. Où sommes-nous ?

- Tu es sur la planète Amazonia, dans la ville d’Epta. Dis-je. Mais de quelle planète viens-tu ?

- De la planète Terre bien sûr. Déclare-t-il comme si ce que j’avais dis plus tôt était absurde. Oh mon Dieu mes parents avaient raison ! Il y a d’autres humains dans l’espace.

- Alors tu es un terrien. Je ne crois pas que le mot humain s’applique à nous. On vous ressemble mais nous sommes plus « forts » ! Avant que tu ne poses la question, je te réponds, chaque Amazone possède au minimum un pouvoir, une capacité hors du commun si tu préfères.

Je le regarde pour voir sa réaction mais je le sens, ça l’intrigue beaucoup, il se demande ce qu’il fait là et regrette de ne pas être resté sur Terre. Il a beaucoup de choses à m’apprendre, et puis avoir une présence près de moi me rassure, mais je sais qu’il ne reste vers moi que parce qu’il ne sait pas que je peux lire dans ses pensées et connaître ses sentiments. Pour l’instant je garde ça pour moi. Je ne veux pas l’effrayer encore plus qu’il ne l’est. Mais une question vient frôler mon esprit.

- Mais pourquoi tes parents t’ont-ils envoyés dans l’espace ? Ils ont fais de toi leur cobaye ?!

- Non, une énorme pluie de météorites a été annoncée, elle devait détruire toute la planète, mes parents m’ont donné une autre chance, pour survivre. Une seconde vie, je ne voulais pas les laisser, je voulais rester avec eux, et me battre avant de les abandonner mais mon père ne m’a pas laissé le choix. Il m’a endormi avec du chloroforme et je ne me souviens de rien jusqu’à mon arrivée ici.

- Je suis désolée. Dis-je sincèrement.

- Tu n’y es pour rien, et puis je ne sais même pas si la Terre est détruite ou pas. Si mes parents sont toujours en vie, si mes amis sont à l’abri et si j’y suis moi-même.

- Ne t’inquiètes pas tant que je serai avec toi, tu seras en sécurité. Tu peux vivre chez nous tout le temps que tu voudras.

- Merci beaucoup. Il réfléchit un instant. Tu as bien dis que tous les Amazones possèdent des pouvoirs ? Alors toi aussi ! Qu’est-ce que tu as ?

- Et bien..je peux me téléporter, j’ai une force surhumaine, je suis télékinésiste, et j’ai aussi une ouïe surdéveloppée.. » 

Il me regarde, souriant mais je ressens de l’étonnement et un peu de peur. Tout ça l’effraie et l’intrigue en même temps, comme un jeune garçon qui va à l’école primaire pour la première fois. Il est vrai que son sourire ressemble à celui d’un enfant mais c’est ce qui fait son charme. Nous nous relevons tous les deux, je lui fais signe d’avancer, il me suit. Nous sommes bientôt arrivés à la maison. Je peux apercevoir ma voiture garée devant. Nous descendons cette colline, j’essaye de ne pas tomber. J’ouvre la porte et la referme derrière Josh, nous passons dans le salon. Et oui ! J’avais raison, Lucy est devant la télévision en train de vider un paquet de chips. Elle me jette un regard puis observe ce jeune homme.

« Bonjour Lucy.

- Tiens ça fait longtemps que je ne t’ai pas vu avec un garçon, on sait toutes les deux pourquoi. D’ailleurs je me souviens parfaitement de ce jour, c’était ta première année de collège, un jour mémorable, hein Charlie ?!

- Tais-toi Lucy, vas-t’en ou tu le regretteras. » 

Ma sœur ne se fait pas prier, elle prend son paquet de chips et monte quatre à quatre les escaliers pour arriver à sa chambre. Je soupire, Josh me regarde médusé, il ne comprend pas pourquoi elle a réagi de la sorte. A ce que je peux percevoir, il avait l’habitude d’une famille unie, d’une bonne entente et d’une ambiance chaleureuse chez lui. Je m’assois sur le canapé et commence à zapper sur toutes les chaînes, il me rejoint et s’installe à côté de moi. A l’audition d’un mot, il m’arrête et me demande de laisser cette chaîne, ce que je fais. Je n’ais pas entendu ce mot mais après j’ai compris, nous regardons les informations, ils ont annoncé la destruction totale de la planète Terre. J’aurais voulu ne plus posséder ce pouvoir plus qu’à n’importe quel moment, il souffre atrocement, mon cœur et ma tête vont imploser, j’aurais voulu lui dire de se calmer, mais je n’en ai pas le droit, la douleur mène au bonheur, il doit ressentir ses propres émotions. Je le regarde, il contient ses larmes, il ne faut pas, il doit laisser couler son chagrin.

« Laisse-toi aller, Josh. Tu n’as personne à impressionner, pleurer ça fait du bien quelques fois. » 

Il me regarde, quelque peu soulagé. Il commence à pleurer, sa douleur s’extériorise, il s’allonge et pose sa tête sur mes cuisses. Je suis un peu surprise mais je ne peux pas lui refuser ça, il a besoin de réconfort et je suis la seule personne qui le comprenne. Je lui caresse les cheveux, il sanglote. Mon Dieu, aidez-le. C’est inhumain de ressentir une telle douleur. J’éteins le poste de télévision, j’ai déjà assez mal à la tête sans en rajouter. Au bout d’une demie heure, il est un peu calmé, sa respiration s’est ralentie mais la douleur est omniprésente, c’est peut-être la première fois que je ressens ça, c’est déstabilisant comme si je vivais au rythme de ses émotions, comme si ma vie dépendait de la sienne. J’ai toujours refusé une quelconque dépendance envers une personne, ou un objet, c’est pourquoi je ne fume pas et ne boit pas. Il se rassoit et regarde dans le vague, il est complètement perdu.

« Ça va mieux ?

- Un peu… Répond-il, d’une toute petite voix.

- Je vais te montrer ta chambre. Tu seras plus tranquille.

Nous montons les escaliers doucement pour que Lucy ne nous dérange pas, quelle chieuse celle-là ! J’arrive devant la porte des quartiers de Papa, je l’ouvre et laisse rentrer Josh. Il me suit, il observe la pièce sans grand intérêt, c’est compréhensible après ce qu’il vient de vivre, moi je n’aurai qu’une envie, me coucher et pleurer jusqu’à ce que je m’endorme. Je défais la couette et lui donne un pyjama. Il regarde des photographies de nous, réunis, elles paraissent tellement irréelles, et sonnent faux.

- C’est la chambre de tes parents, où est-ce qu’ils vont dormir ?

- Ne t’inquiètes pas pour ça, mon père ne revient à la maison qu’une seule fois par mois. Alors il n’aura rien à dire, ma mère est décédée depuis que j’ai six ans. Dors ça te fera du bien, si tu me cherches je serai dans ma chambre. Ne prête pas attention à Lucy, elle ferait tout pour se rendre intéressante, et si elle te dit des trucs bizarres sur moi, ne la crois pas. »

A ce moment même il pense que je parle trop, ça l’amuse. Tant mieux ! Il est aussi surpris par mon calme à l’annonce de la mort de ma mère. Je sors de la pièce en lui souhaitant une bonne nuit puis je referme la porte et pars dans ma chambre. Je ferme les volets et les rideaux, je me retrouve dans le noir, je prends un cachet pour le mal de crâne mais je sais qu’il ne fera pas d’effet. Cette fin de journée a été riche en émotion autant pour lui que pour moi. Ce pauvre garçon n’est pas au bout de ses peines mais il a une chance que je n’ai pas, il ne possède pas de pouvoirs. Bien sûr ça peut être un avantage comme une contrainte. Le fait qu’il vive chez moi sera un frein. Encore un dilemme de plus pour Mademoiselle Charlie Nelson ! Comme si j’en manquais, quelqu’un là-haut doit s’amuser à me torturer. Maman, aide-moi s’il te plait, tu es la seule qui aurait pu me comprendre. Je ne sais même pas si tu m’entends, je dois être ridicule, heureusement personne ne peut lire dans mes pensées. Cette obscurité me rassure, je suis seule dans une pièce, seule dans ma tête mais seule dans mon cœur aussi. Cette solitude qui me pèse tellement chaque jour est apaisante certaines fois comme aujourd’hui. Je m’allonge dans mon lit, je ferme les yeux, des flash de la mort de Maman me reviennent, je déteste ça. J’essaye de trouver le sommeil le plus vite possible. Pas facile… Au bout de deux heures de stress et de sueurs froides, je tombe dans les bras de Morphée.

 

Chambre de Charlie, 10h30. Samedi.

J’ouvre les yeux, les rayons du soleil m’ont réveillé mais c’est assez agréable. Je m’extirpe de mes draps lentement. Je m’étire, je me lève et vais ouvrir les volets, c’est une belle journée qui commence, il faut déjà voir la suite pour confirmer ça. Malheureusement je doute de cette hypothèse si fragile. Je laisse les fenêtres ouvertes pour aérer ma chambre, espérant que le vent emmène mes pensées avec lui. Je sors encore un peu endormie, je descends dans la cuisine, j’entends la voiture de Lucy, comme d’habitude elle part avant que je ne la voie. J’arrive devant le frigidaire, Josh est en train de petit déjeuner, sur la table près de moi. Il semble aller mieux, je ne prête aucune attention à mes pensées. Je prends du lait et des corn flakes et m’assois à côté de lui. Je commence à manger, mon ventre gargouille. J’ai la dalle !

« Bien dormi ?

- Oui, le sommeil un peu agité mais ça va, et toi ? Répond-il, calmement.

- Pareil. Heureusement c’est le week-end parce que je n’ai aucune envie d’aller à l’université. Ai-je marmonné.

- Tu fais quoi comme étude ?

- Je fais du droit, et toi ?

- Pareil ! S’exclame Josh, surpris.

Nous sourions tous les deux, plus j’y pense et plus je me dis que nous nous ressemblons plus que je ne le pensais. Au moins je ne serai plus seule toute la journée et je pourrai parler à une autre personne que moi. Il mange une pomme, en me regardant.

- Alors je vais devoir te supporter en plus en cours, je sais pas si je vais y arriver. Tu parles tellement. Lâche-t-il avec un grand sourire.

- Normal, tu es le seul qui reste plus de dix minutes avec moi, mais tu sais si c’est trop pour le petit être que tu es, tu peux aller ailleurs, mais je ne donne pas cher de ta peau. Allez Beths, tu y arriveras c’est une question d’entraînement.

- Tu m’as trouvé un surnom ?!

- Oui, je me suis dis pourquoi pas ? Et puis comme tu viens de cette ville, et bien j’ai trouvé ça pas mal ! Hein Bethesda !

Je me lève, contente de moi, je me dirige dans la salle de bain. Une bonne douche me fera le plus grand bien. Je ferme la porte et me déshabille puis entre dans la baignoire. Je fais couler de l’eau chaude, et me mouille. Je me lave tranquillement, espérant que ce jour-là ne soit pas celui de la visite de mon père. J’entends qu’on frappe à la porte, j’écoute.

- Essaye de pas rester dans la salle de bain trop longtemps, s’il te plait. »

Je souris, il va être furax, mais j’aime passer du temps à barboter dans l’eau et il va s’en rendre compte. De toute façon, il va vivre chez nous pendant un bon bout de temps alors il faudra qu’il s’y fasse. Je m’allonge, la tête sous l’eau. Je me sens bien mieux.

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